Politique 15/09/2025 17:41 Actualisé le 16/09/2025 08:22
L’ancien commissaire européen s’en est pris au parcours académique de Gabriel Zucman en évoquant le refus de l’université de Harvard de l’embaucher… en 2018.
JOEL SAGET / AFP
L’économiste Gabriel Zucman, photographié par l’AFP, à Paris le 12 juin 2024.
ÉCONOMIE - La rançon de la gloire ? Alors que les macronistes tentent d’amadouer les socialistes en évoquant du bout des lèvres la mise en place d’une possible taxe Zucman, Thierry Breton prend lui peu de gants. L’ancien commissaire européen s’est montré particulièrement virulent, et à plusieurs reprises ces derniers jours, en évoquant l’économiste français, très plébiscité par la gauche, et ses travaux.
Visant vraisemblablement la fiabilité académique de Gabriel Zucman, Thierry Breton s’est notamment appuyé sur une anecdote survenue il y a sept ans pour tenter de réduire à peau de chagrin la crédibilité de l’économiste. Comme il le raconte dans la vidéo ci-dessous, selon lui, cette année-là Gabriel Zucman « a souhaité » devenir professeur à Harvard mais se serait vu refuser le poste car la direction aurait jugé ses travaux « pas assez sérieux et biaisés ». Une « fake news » selon l’entourage de l’économiste contacté par Le HuffPost, qui tacle un « mensonge délibéré » à la télévision.
À quoi fait référence exactement Thierry Breton ? En réalité à un débat qui refait régulièrement surface à mesure que l’exposition médiatique de l’économiste s’amplifie en France. Fin 2018, Gabriel Zucman travaille déjà avec Emmanuel Saez sur la taxation des plus riches. Des travaux qui attirent l’œil de la Kennedy School, l’école d’administration publique de Harvard qui formule alors une offre d’emploi pour recruter le Français en tant que titulaire. Ce n’est donc pas lui qui a postulé.
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Le doyen et l’administrateur principal de Harvard décident finalement de bloquer cette offre. Sur quel motif ? Un article du New York Times, datant de 2020, et consacré aux deux économistes français dont les propositions attirent alors l’œil de Bernie Sanders et Elizabeth Warren en pleine présidentielle, évoque des « craintes que les recherches de Gabriel Zucman ne puissent pas étayer les arguments qu’il défend dans la sphère politique ». Jamais, Harvard n’a remis en cause publiquement le sérieux des recherches économiques du frenchy.
Des fake news libertariennes ?
À l’époque, la méthodologie et les calculs du duo suscitent bien sûr des débats y compris chez les économistes qui plébiscitent par ailleurs leur travail. Des discussions sur la non prise en compte de crédits d’impôts pour les bas revenus par exemple, et qui ont pu donner lieu à des discussions animées, et face auxquelles Gabriel Zucman s’est régulièrement défendu.
Ce qui n’empêche pas des confrères de voir aussi une décision politique de la direction de Harvard étant donné son modèle économique. Une motivation également évoquée à demi-mot par l’entourage du Zucman auprès du HuffPost, qui rappelle que l’université est uniquement financée par des donateurs privés, quand Berkeley, la tout aussi prestigieuse université de Californie où Gabriel Zucman est actuellement professeur, est publique.
Pour son entourage, s’il est « tout à fait normal que les travaux universitaires donnent lieu à des débats méthodologiques », en l’espèce les accusations de « manipulation » ressemblent plutôt à une « instrumentalisation » de « fake news venues de milieux libertariens très mobilisés ».
Le HuffPost a pu constater à cet égard qu’un article de 2020 saluant la décision de Harvard, circule particulièrement ces dernières semaines sur X. Signé de Philip Magness, un historien de l’économie déjà critique de Thomas Piketty, l’article est publié sur The Daily Economy, le site d’informations de l’Institut américain de recherche économique (AIER), un groupe de réflexion libertarien conservateur. Pas vraiment neutre politiquement non plus.
Des débats académiques normaux
D’autres économistes continuent d’ailleurs toujours de questionner la méthodologie de la taxe Zucman, dans sa version française, sans pour autant se prononcer pour ou contre, et sans non plus remettre en cause le pedigree de son inventeur. C’est le cas encore récemment de Philippe Aghion et d’autres dans une tribune du Monde. « Une étude est publiée, d’autres chercheurs la commentent, la contestent ou en affinent les conclusions. Il s’agit d’un débat académique classique, qui ne remet pas nécessairement en cause l’ensemble du travail de Gabriel Zucman », estime encore chez nos confrères d’Atlantico, Alexandre Delaigue pour qui le terme de « falsification » est « bien trop fort ».
Contacté par Le HuffPost, Dani Rodrik, éminemment économiste de la Kennedy School et qui avait plébiscité l’embauche de Zucman, ne cache pas son agacement face aux critiques « ridicules » de Thierry Breton. Et de rappeler qu’en 2023, Gabriel Zucman a reçu l’éminente médaille John Bates Clarke de l’American Economics Association. « Il ne l’aurait jamais reçue si la qualité de ses recherches avait été mise en doute. Harvard a effectivement refusé de lui offrir un poste de titulaire malgré le soutien massif du corps professoral en sa faveur, et clairement Harvard a commis une erreur », défend-il. En matière d’honneur, sept prix Nobel d’économie ont récemment eu l’occasion de se prononcer en faveur du nouvel impôt plancher promu par le chouchou de la gauche.
Gage que l’ancien commissaire a eu la charge trop lourde, même les économistes parmi les plus ardents détracteurs de la taxe Zucman, Sylvain Catherine et Antoine Levy, fustigent des arguments « d’une profonde débilité » qui ne « contribu[ent] pas au débat », alors que « Zucman est l’un des meilleurs économistes de sa génération ».
https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/l-argument-debile-de-thierry-breton-contre-gabriel-zucman-etrille-par-ces-economistes_254845.html
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DOSSIER : BUDGET 2026
Faut-il taxer davantage les plus riches ? La réponse très tranchée de Thomas Piketty
Alors que le débat sur la taxe Zucman bat son plein, l’économiste Thomas Piketty a donné son analyse sur cette mesure décriée par le gouvernement démissionnaire. L’économiste la défend, et la qualifie de «minimum syndical» dans l’état actuel de la dette publique.
Alors que le débat sur la taxe Zucman bat son plein, l’économiste Thomas Piketty a donné son analyse sur cette mesure décriée par le gouvernement démissionnaire.
Alors que le débat sur la taxe Zucman bat son plein, l’économiste Thomas Piketty a donné son analyse sur cette mesure décriée par le gouvernement démissionnaire. © Capture d'écran BFMTV
Par Pauline Linard-Cazanave
Publié le 15 septembre 2025 à 22h27. Mis à jour le 16 septembre 2025 à 00h36.
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Depuis la présentation du budget 2026 par l’ex-Premier ministre François Bayrou, le 15 juillet dernier, le débat sur la taxation des plus riches fait rage. Interrogé par BFMTV lundi 15 septembre, l’économiste Thomas Piketty a défendu la taxe Zucman, qui propose un impôt plancher de 2% par an sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. En balayant au passage l’argument du président du Sénat Gérard Larcher, selon lequel la taxe Zucman ne «passerait pas le barrage du Conseil constitutionnel». «C’est complètement faux, il ne faut pas se dissimuler derrière des arguments juridiques qui n’existent pas», a-t-il insisté.
Pour l'économiste, il s’agit avant tout d’une question de justice fiscale, et le problème est ailleurs : les grandes fortunes s’envolent, sans comparaison avec le reste de la société. «En 2010, les cinq cent plus grandes fortunes du classement du média Challenges représentaient ensemble 200 milliards d’euros. Aujourd’hui, c’est 1 200 milliards d’euros, soit multiplié par six.» Et pour lui le constat est clair : ni le PIB, ni le salaire moyen n’ont suivi cette trajectoire. Face à ce constat, Thomas Piketty juge la taxe Zucman non pas radicale mais «le minimum syndical». «Ces fortunes ont progressé en moyenne de 7 à 8 % par an depuis quinze ans. Avec seulement 2 %, il faudrait un siècle pour revenir à leur niveau de fortune de 2010» a-t-il expliqué. Et de rajouter : «Le bloc central, en refusant cette perspective (…) passe à côté de l’histoire et nous met dans une situation intenable».
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Une idée qui gagne du terrain
Selon les estimations de Thomas Piketty, la taxe Zucman, appliquée à environ 1 800 contribuables, rapporterait environ 20 milliards d’euros par an à l’État. Et selon lui, il n’est pas seul à la défendre. Les économistes libéraux qui avaient élaboré le programme d’Emmanuel Macron en 2017, et demandé la suppression de l’ISF, plaideraient aussi pour son retour. Un changement d’attitude dans le monde académique frappant pour Thomas Piketty, qui contraste avec la position du gouvernement, «à la traîne».
De leurs côtés, les grandes figures du bloc central que sont Emmanuel Macron, Gabriel Attal ou François Bayrou ne semblent pas prêts à s’engager dans cette voie. Reste à voir si la pression de l’opinion et l’évolution des positions d’experts feront pencher la balance en faveur de l’application de cette taxe.
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