La rave-party de Chabalier, en Lozère, vue de l’intérieur

Depuis vendredi 11 juillet 2025, des milliers de raveurs sont réunis sur le site de la Gardille, à proximité de Chabalier (Mont-Lozère-et-Goulet). Un teknival aux allures de festival autogéré.

“C’est génial. C’est hyper bien organisé. On a été très bien accueillies, on ne s’attendait pas du tout à ça.” Bâtons de marche à la main, Juliette, 52 ans, et Flo, 54 ans, se trémoussent sur les grosses lignes de basse qui résonnent sur la Gardille, en fin de matinée, ce lundi 14 juillet 2025. Lorsque les deux amies qui évoluaient sur le chemin de Stevenson ont appris ont appris qu’une rave-party avait lieu non loin de leur parcours, elles n’ont pas hésité une seconde à faire le détour.
“Les gens sont extrêmement bienveillants”
“Quand on est à La Bastide, on n’entend que les basses. Il faut vraiment venir voir comment c’est. C’est vraiment de la musique, racontent les deux femmes tout en dansant, sourire aux lèvres. Et puis les gens sont extrêmement bienveillants : on nous a proposé à boire, à manger, il y a des personnes avec des brumisateurs pour vous rafraîchir…”
Trois murs de sons avec de la musique en continu, un large choix de plats et de boissons à consommer, des artisans qui proposent leurs bijoux, habits, huiles essentielles et autres produits, il ne manque pas grand-chose au teknival pour ressembler à un festival tout ce qu’il y a de plus classique.
Hormis deux points, et pas des moindres : des toilettes, et un service de sécurité. Ce qui contraint des pompiers de tout le département, mais aussi d’Aveyron, de l’Hérault, du Lot, du Tarn et même du Tarn-et-Garonne à se relayer pour prendre en charge les teufeurs mal en point. Ils travaillent d’ailleurs en étroite collaboration avec six associations de réduction des risques (RDR) venues du sud et du centre de la France.
Des associations présentes pour la réduction des risques liés aux drogues, mais pas que
Le but de ces bénévoles est, comme son nom l’indique, de réduire “tous les risques du festif, que ce soit le son, le feu, les piercings, l’alcool et les drogues aussi, forcément. On part du principe que lors d’une fête, qu’elle soit légale ou non, il va y avoir de la consommation. Notre rôle n’est nullement d’y inciter, mais de guider les consommateurs et les consommatrices vers un usage qui est moins risqué”, explique l’une d’elles, Agathe, 20 ans, étudiante, en lettres modernes. “On n’est pas là pour juger la consommation des gens. Ça serait totalement contre-productif.”
Au-delà de la drogue, les associations de RDR mettent aussi à disposition des teufeurs des bouchons pour les oreilles et du matériel de santé sexuelle. “C’est important aussi, parce qu’une fête avec autant de personnes, il y a forcément des personnes qui vont avoir des relations sexuelles et c’est important qu’elles se protègent.” Ils s’occupent aussi de la “bobologie” qui ne nécessite pas de prise en charge par les pompiers et sont présents pour prêter une oreille attentive à tous ceux qui peuvent en avoir besoin. À leurs côtés était d’ailleurs présente une association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui propose “un espace de repos en non-mixité pour que les femmes, les personnes queers, les personnes trans, les personnes non-binaires, puissent se sentir en sécurité”.
Des profils sociaux très variés
Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas un déchet par terre : ceux qui traînent sont jetés dans des sacs-poubelle. Les organisateurs ont même prévu un caddy spécialement pour trier le verre. “Après la fête, les organisateurs prendront un moment pour vérifier que tout le site est bien nettoyé et ramasser les poubelles. On va aller les jeter dans différentes communes pour qu’aucune ne se retrouve envahie de sacs-poubelle”, précise Agathe.
Autre cliché battu en brèche une fois sur place, les raveurs ne sont pas tous des marginaux au chômage, loin de là. La plupart des personnes interrogées travaillent : serveurs en restaurant, employé de golf, informaticien, journaliste, chef d’équipe logistique, agriculteur… D’autres sont étudiants en philosophie, en ingénierie, en informatique “On n’est pas des “punks à chiens”, on est des gens normaux dans la vie de tous les jours”, assure Julie, 21 ans, arrivée d’Annecy. Et surtout, la bienveillance domine. Même les pompiers présents sur place confient que l’ambiance est bonne enfant, même si la consommation de stupéfiants est “plus importante que dans d’autres événements festifs”.

La préfecture fait le point sur la situation
Selon la préfecture, la rave-party illégale a accueilli jusqu’à 12 000 personnes durant le week-end. Dès dimanche et le départ des premiers “teufeurs”, la gendarmerie a effectué des contrôles et procédé à 433 verbalisations. Un groupe électrogène a été saisi et trois personnes placées en garde à vue. Des véhicules ont également été conduits à la fourrière en raison d’infractions aux règles de stationnement. Ce lundi, 652 nouvelles infractions ont été constatées, dont des saisies de stupéfiants, indique la préfecture. Depuis le début du rassemblement illégal, les pompiers ont dénombré 53 blessés légers, 41 personnes en urgence relative, une urgence absolue et ont procédé à une évacuation. La journée de mardi devrait voir l’ensemble des fêtards évacuer les lieux, pouvant entraîner des risques de ralentissements sur les routes des environs.
Conscient de la mauvaise réputation des teknivals, la plupart des témoins refusent d’ailleurs de donner leur véritable prénom. À l’exception de Célia, Montpelliéraine de 21 ans en formation d’accompagnant éducatif et social. “On a le droit de faire la fête, je n’ai rien à me reprocher. La fête libre n’est pas un crime.” Et qu’importent les risques que cela comporte. “Quand je vois le bon moment que je passe avec mes copains, ce n’est pas grave si je dois payer une amende de 135 €.” William, venu depuis Le Mans pour sa première “teuf” confirme : “Tu peux être toi-même, personne ne te juge.”
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