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Inondations meurtrières au Texas : les coupes budgétaires de Trump ont-elles contribué au désastre ?

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Attendu “probablement” vendredi au Texas, le président américain fait face à un début de polémique après des inondations meurtrières dans cet État. Plusieurs responsables locaux ont déploré le manque de fiabilité des prévisions fournies par les services météorologiques, l'une des cibles des coupes budgétaires massives décidées par l'administration Trump.

Publié le : 07/07/2025 - 17:17

Des fonctionnaires passent au peigne fin les berges de la rivière Guadalupe après la crue soudaine qui a balayé la région, le 5 juillet 2025 à Hunt, au Texas.
Des fonctionnaires passent au peigne fin les berges de la rivière Guadalupe après la crue soudaine qui a balayé la région, le 5 juillet 2025 à Hunt, au Texas. © Julio Cortez, AP
Après la stupéfaction et le deuil, le temps est à la polémique au Texas dévasté par des inondations meurtrières. Alors que les chances de retrouver des survivants s'amenuisent, certains responsables locaux ont mis en cause le National Weather Service (NWS), l'agence chargée de prévenir la population en cas d'alertes météorologiques et hydrologiques, pour avoir sous-estimé les précipitations et compromis la réponse des services de secours.

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“Les prévisions initiales reçues mercredi du service météorologique national annonçaient des précipitations de 3 à 6 pouces [entre 75 et 150 millimètres] dans la vallée de Concho et de 4 à 8 pouces [entre 100 et 200 millimètres] dans la région de Hill Country. La quantité de pluie qui est finalement tombée à cet endroit précis n'avait rien à voir”, a indiqué vendredi le chef de la division de la gestion des urgences du Texas, Nim Kidd.

“Les prévisions étaient clairement erronées” et la quantité de pluie a été “le double de ce qui était anticipé”, a affirmé un responsable municipal de Kerrville, Dalton Rice, ajoutant que dans certaines zones l'eau a atteint “le niveau d'une crue centennale”.

© France 24
Des habitants se sont plaints au cours du week-end de ne pas avoir été avertis suffisamment tôt des risques d'inondations, qui ont fait plus de 80 morts.

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L'Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA), qui abrite le NWS, fait partie des agences qui ont connu des licenciements massifs sous l'administration Trump, faisant craindre une dégradation de la qualité des prévisions. Dès son investiture, le président américain, qui affiche fièrement son climatosceptisme, avait annoncé sa volonté de se débarrasser de cette agence conformément au projet 2025, la feuille de route ultraconservatrice qui guide son action.

En février 2025, le Doge, chargé de sabrer dans les dépenses fédérales, alors sous la direction d'Elon Musk, a notamment procédé à des licenciements à la NOAA, provoquant le départ d'environ 10 % des effectifs, selon la presse américaine.

Des météorologistes défendent la NWS
Interrogé sur une possible corrélation entre ces coupes budgétaires et le bilan tragique des inondations, Donald Trump a balayé d'un revers de la main ces accusations. “Il s'agit d'une catastrophe comme l'on n'en a pas vu en 100 ans”, a-t-il estimé. “C'est tout simplement atroce de voir ce qu'il se passe au Texas”. Le président américain doit “probablement” se rendre vendredi au chevet des victimes.

Selon les experts, établir un lien entre le lourd bilan humain au Texas et les coupes budgétaires est loin d'être évident. D'abord parce que le Texas reste relativement bien doté en personnel comparé à d'autres bureaux de prévision météorologiques du pays.

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“Les WFO [bureaux de prévisions météorologiques] disposaient d'effectifs et de ressources suffisants pour émettre des prévisions et des alertes en temps voulu avant la tempête”, a déclaré auprès de NBC News Tom Fahy, directeur législatif du syndicat représentant les employés de la NWS. Ce dernier a toutefois indiqué que deux postes de direction au bureau de San Antonio restaient non pourvus et devaient être assumés par des employés.

Plusieurs météorologistes indépendants ont également défendu le travail de leurs confrères de la NWS, affirmant que l'agence avait correctement alerté sur les risques mais ne pouvait pas prévoir l'intensité extrême du phénomène.

“Prédire la quantité de pluie qui va tomber d'un orage, c'est la chose la plus difficile qu'un météorologue puisse faire. L'alerte avait été lancée pour indiquer qu'il s'agirait d'un épisode de précipitations importantes et significatives, mais il n'est pas possible de déterminer avec précision où les précipitations vont tomber”, assure Chris Vagasky, météorologue basé dans le Wisconsin, sollicité par Wired.

“Une multitude de facteurs”
Si les régions de San Antonio et de Hill Country ont l'habitude des crues soudaines, la tempête de vendredi matin a été particulièrement spectaculaire. La rivière Guadalupe a ainsi débordé au beau milieu de la nuit, avec une crue de plus de six mètres en quelques heures, soit son deuxième niveau le plus élevé de l'histoire. “Le pire scénario possible”, estime le météorologiste Alan Gerard, rappelant que ce genre de catastrophe est le fruit “d'une multitude de facteurs”.

“Dans le cas de cette tragédie, les facteurs contributifs les plus évidents sont que la crue éclair s'est produite au milieu de la nuit, lorsque les gens sont généralement endormis et moins susceptibles de prendre des mesures de protection, et qu'elle s'est produite au début d'un long week-end de vacances d'été, lorsque les terrains de camping et résidences touristiques, tels que ceux qui sont regroupés le long de la rivière Guadalupe, sont les plus susceptibles d'être remplis”, écrit Alan Gerard sur son blog.

La première alerte de crue subite est tombée à 23 h 41 heure locale, suivie à 01 h 14 de l'annonce d'un risque “majeur” pour les comtés voisins de Kerr et Bandera. Des alertes de plus haut niveau signalant un danger de mort imminent ont suivi à 4 h 30 puis 5 h 30, une heure où beaucoup de gens dorment et coupent leur téléphone.

Trois comtés plus à l'Est, près d'Austin, capitale du Texas, traversés par des affluents du Guadalupe ou des rivières locales, ont également déploré des morts. Dans toutes ces zones, le calcaire est un facteur géologique majeur qui a accentué la rapidité et la violence des crues en favorisant un ruissellement très rapide et la saturation du sol, selon une experte citée par la NPR, la radio publique américaine.

Des phénomènes extrêmes plus fréquents
Si la NWS semble donc avoir rempli son rôle en amont du déluge, les inquiétudes demeurent sur la capacité des agences fédérales à anticiper de futures catastrophes.

“Je ne vois aucune preuve que les coupes dans les budgets de la NOAA et du NWS aient entraîné une dégradation des alertes météorologiques, […] mais les coupes budgétaires nous préparent à de futurs problèmes”, résume le météorologue John Morales.

Car au-delà du problème des effectifs, les systèmes de collecte de données ou encore les technologies satellitaires, cruciaux pour anticiper les caprices du climat, pourraient souffrir d'un manque d'investissement, estiment les scientifiques.

En mai, l'administration Trump a déjà décidé de cesser d'alimenter une base de données sur les catastrophes climatiques mise en place en 1980, conséquence de la réduction des financements de la NOAA. On y apprenait que les États-Unis avaient connu 403 catastrophes naturelles avec à la clé des centaines de milliards de dégâts entre 1980 et 2024.

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“Sans recherche, sans personnel pour faire le travail, nous pouvons supposer que les prévisions – et pas seulement pour les ouragans, mais aussi pour les tornades, les inondations, la sécheresse, les incendies de forêt, les tsunamis – vont sans aucun doute se dégrader. Cela signifie que la capacité des gens à se préparer à ces événements sera compromise”, résume l'ancien directeur de la NOAA, Rick Spinrad, interrogé par Reuters.

Une inquiétude d'autant plus grande à l'heure où le changement climatique tend à rendre plus fréquents et intenses ces phénomènes extrêmes. Selon le rapport du programme américain de recherche sur le changement climatique publié en 2023, les États-Unis ont subi une catastrophe climatique de grande ampleur toutes les trois semaines ces dernières années, contre une tous les quatre mois dans les années 1980.