Début 2024, Photoroom revendiquait 50 millions d'euros de revenus récurrents annuels.
Début 2024, Photoroom revendiquait 50 millions d'euros de revenus récurrents annuels. (Photoroom)
Publié le 24 juin 2025 à 17:00Mis à jour le 24 juin 2025 à 18:29
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Il n'y a pas que la valorisation qui compte. Il y a aussi, et surtout, le chiffre d'affaires. Si traditionnellement les start-up sont peu enclines à publier leurs revenus, la nouvelle génération de sociétés dans l'IA générative est un peu plus transparente. Il faut dire que certaines connaissent des croissances fulgurantes.
Sur les 100 start-up d'IA les plus performantes au monde (Stripe AI 100), le temps médian pour atteindre 1 million de dollars de revenus récurrents annuels (indicateur phare dans le logiciel) est de onze mois et demi, contre quinze mois pour une start-up du logiciel (SaaS) de la précédente vague d'innovation.
Le temps médian pour passer le cap des 5 millions de dollars est de seulement vingt-quatre mois pour le même échantillon, contre trente-sept mois pour un SaaS. Encore plus frappant : dans les deux ans suivant la commercialisation de leur produit, les start-up d'IA sont trois fois plus nombreuses à atteindre 30 millions de dollars de revenus récurrents annuels (ARR) que celles de la précédente génération.
La surprise suédoise
Les exemples les plus marquants viennent, sans surprise, des géants américains. Deux ans et demi après son lancement, OpenAI a dépassé les 10 milliards de dollars d'ARR, tandis qu'Anthropic (qui a lancé son chatbot Claude en mars 2023) a récemment passé la barre des 3 milliards de dollars. Anysphere, propriétaire de l'éditeur de code Cursor (sorti en 2023), a annoncé 500 millions de dollars d'ARR en juin, contre 200 millions… en mars !
Les start-up européennes ne sont pas en reste. Dans le Top 100 de Stripe, 17 sont européennes, dont le suédois Lovable (création de sites Internet) qui a atteint 50 millions de dollars d'ARR en seulement six mois.
Plusieurs pépites françaises sortent du lot, comme Dust (assistants pour salariés) passé de 1 à 6 millions d'euros en un an. Photoroom (retouche photo) revendiquait, début 2024, environ 50 millions d'euros de revenus récurrents et annonçait être rentable. « Quand nous avons fini Y Combinator [le célèbre incubateur de start-up, NDLR], nous faisions déjà un million de revenus à deux seulement », se remémore Matthieu Rouif, cofondateur de la start-up.
Si les start-up américaines et européennes performent à peu près de la même manière durant les deux premières années, les Etats-Unis produisent beaucoup plus de « super champions », selon les données de Stripe. Le pourcentage d'entreprises américaines qui dépassent 30 millions de dollars d'ARR en quatre ans est deux fois plus élevé qu'en Europe.
Mais comment expliquer ces hyperperformances ? « Les produits IA sont facturés plus cher par construction car le coût du compute [faire tourner des algorithmes sur des serveurs, NDLR] n'est pas nul. Et je pense que les SaaS sont depuis longtemps trop peu chers », estime Gabriel Hubert, cofondateur de Dust. Les abonnements pour les robots conversationnels coûtent autour de 20 dollars par mois pour un particulier mais 200 dollars pour un professionnel !
Les start-up européennes sont des plateformes mondiales dès le premier jour.
Emily Glassberg Sands, responsable des sujets data et IA chez Stripe
De nombreuses start-up d'IA générative peinent encore à fixer le bon prix. « Le marché cherche encore la rencontre entre l'offre et la demande », raconte Emily Glassberg Sands, responsable des sujets data et IA chez Stripe, qui confie que la question la plus récurrente que les start-up d'IA lui posent concerne la tarification de leurs modèles ou produits.
Cette hypercroissance s'explique aussi par la forte internationalisation de ces sociétés. Dans le Stripe AI 100, le nombre de pays médian dans lequel une start-up commercialise son produit au cours de sa première année est 55 (79 la deuxième année). Les start-up du logiciel de la vague précédente étaient présentes dans deux fois moins de pays au bout d'un an.
Les nouvelles pépites de l'IA génèrent environ 56 % de leurs revenus en dehors de leur pays d'origine. « Les start-up européennes sont plus internationales qu'avant. Ce sont des plateformes mondiales dès le premier jour », indique Emily Glassberg Sands. En année 1, post-commercialisation, une start-up d'IA de l'UE vend en moyenne dans 64 pays étrangers et génère plus de 85 % de ses revenus en dehors de son pays d'origine.
Changer de solution comme de chemise
Mais croître à ce rythme vient avec des défis. « Ce qui est dur pour les fondateurs est de savoir comment jauger la vélocité des revenus et sa 'stickyness' [adhésion, NDLR] » , souligne Gabriel Hubert. Au rythme où les innovations sortent, les utilisateurs (qu'ils soient particuliers ou professionnels) peuvent vite changer de solution. « Vous pouvez vous retrouver avec un concurrent qui arrive demain et qui fait mieux que vous. Copilot pensait être révolutionnaire et Cursor est arrivé », raconte Matthieu Rouif.
Même si de plus en plus de start-up d'IA préfèrent rester avec des effectifs modestes, elles doivent tout de même faire face à des problématiques particulières. « Il faut recruter des profils seniors malgré la jeunesse de la société. Moins d'un an après sa création, Mistral a dû recruter un general counsel et une directrice des affaires publiques, ce n'est pas courant » souligne Matthieu Rouif. La licorne française qui rivalise avec OpenAI, Anthropic et autres ne communique en revanche pas sur ses revenus.
Méthodologie :
· AI 100 : Stripe a sélectionné les 100 start-up d'IA avec la plus forte croissance sur l'année 2024. Stripe estime que les deux tiers des leaders mondiaux de l'IA sont clients (78 % du Forbes AI 50 2025 et 82 % du Top 100 Gen AI Consumer Apps d'a16z).
· SaaS 100 : pour comparer avec un groupe tout aussi prometteur mais d'une génération précédente, Stripe a sélectionné les 100 start-up SaaS ayant connu la plus forte croissance en 2018, année de pic de croissance de l'industrie.
Charlie Perreau
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