Diamants, amandes, fèves de soja, bateaux de plaisance, motos, appareils ménagers : voilà quelques-uns des produits américains que la Commission européenne a proposé aux Etats membres de l'UE, lundi, de surtaxer, en réponse aux droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium européens infligés en mars.
Les Vingt-Sept doivent ce mercredi approuver la liste des droits de douane suggérés par Bruxelles, qui vont de 10 % à 25 % et commenceront à être perçus dès le 15 avril pour certains, à partir de la mi-mai pour la plupart, à partir du 1er décembre pour certains produits agroalimentaires.
Le whisky américain, qui était inclus précédemment, en a été retiré, notamment à la demande de la France et de l'Italie, inquiètes des représailles contre leurs vins et spiritueux. Donald Trump avait laissé planer la menace de droits à 200 % sur les bouteilles européennes.
Proposition d'exemption
Au total, la Commission a retiré un ensemble de produits pesant 6 milliards d'euros de son paquet d'origine, qui à l'arrivée totalise un peu plus de 20 milliards d'euros de marchandises. Il ne s'agit pas de la réponse européenne à la vaste offensive commerciale des droits « horizontaux » à 20 % que Donald Trump a annoncés le 2 avril. « Mais il s'agit de montrer que nous sommes sérieux quand nous brandissons la menace de représailles », indique une source de la Commission.
Pour faire face à l'assaut du « Liberation day », qui porte sur plus de 370 milliards d'euros de marchandises européennes, l'UE veut prendre son temps, consulter les capitales et les industriels. Elle cherche surtout à obtenir une désescalade. Lundi, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a révélé avoir fait une proposition d'exemption douanière « totale et réciproque » pour les produits industriels échangés entre les deux rives de l'Atlantique.
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« Ce n'est pas suffisant », a déjà rétorqué Donald Trump, qui réclame aux Européens d'acheter des produits énergétiques pour réduire leur excédent commercial sur les marchandises. La Commission a déjà proposé dans le passé d'acheter plus de gaz naturel liquéfié aux producteurs américains, alors que le prochain paquet de sanctions contre Moscou pourrait accélérer la fin des achats européens d'hydrocarbures russes.
Redéploiement tous azimuts
Mais ces achats ne résoudront pas tous les problèmes. Le commissaire au Commerce Maros Sefcovic continue de multiplier les contacts avec une administration erratique, dont les Européens tentent encore de mesurer le véritable objectif final.
Encore dans l'expectative, Bruxelles cherche à « se concentrer sur les 87 % du commerce mondial qui se font hors des Etats-Unis », selon un de ses experts. Depuis plusieurs jours, Ursula von der Leyen multiplie les contacts avec les leaders de plusieurs autres blocs, par exemple dans les Emirats.
Mardi, elle s'est entretenue avec le Premier ministre chinois Li Qiang. L'UE craignant de servir de déversoir aux produits asiatiques privés de débouchés aux Etats-Unis, la Commission va mettre en place une « task force » de surveillance des importations.
Rapprochement avec la Chine
Selon nos informations, le Premier ministre chinois a assuré à Ursula von der Leyen qu'il veillerait à ne pas inonder le marché européen et chercherait à doper la demande intérieure chinoise. Bruxelles et Pékin, face à l'agressivité américaine, opèrent un début de rapprochement, ce qui ne manque pas d'ironie puisque Donald Trump visait au contraire à isoler la Chine.
Ursula von der Leyen a souligné « la responsabilité de l'Europe et de la Chine » pour « soutenir un système d'échanges réformé, libre, équitable et fondé sur des conditions de concurrence égales ». Li Qiang a de son côté affirmé que « la Chine et l'UE doivent renforcer leur communication et leur coordination ». Les deux blocs tiendront un sommet bilatéral avant l'été.
Mercosur incertain
Le contexte actuel pose aussi en de nouveaux termes la question de la validation par les Vingt-Sept de l'accord Mercosur finalisé par la Commission en décembre. La France cherche toujours à coaliser une minorité de blocage contre le traité, car elle le juge injuste pour certaines filières agricoles.
Mais un certain nombre de pays qui partageaient son point de vue semblent désormais hésiter. Dans l'incertitude des derniers jours, une certitude émerge : le bouleversement total de la carte mondiale du commerce.