«Pour pallier le déclin démographique, il faut revenir à une politique de l’offre»

Publié le 18 mars 2025 à 16h58
«La filière alimentaire a un besoin urgent et vital de relancer résolument et fermement la politique de l’offre.» SAMEER AL-DOUMY / AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - La subvention de la consommation ne saurait sauver une économie française dont le nombre de consommateurs baisse au même rythme que la natalité, analyse l’expert de la grande distribution Philippe Goetzmann. Passer la publicité Passer la publicité

Philippe Goetzmann est consultant sur l’agroalimentaire et la grande distribution et élu à la chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France.

Pendant plus de vingt ans, la consommation a été le moteur de l’économie française, alimentée par le stato-consumérisme décrit par Jérôme Fourquet dans une étude de mai 2024, et soutenue par une croissance démographique limitée mais solide. Dans une Europe en dépeuplement, parfois de façon critique (l’Italie), la démographie française se détachait et assurait une croissance des volumes alimentaires, en partie financée par les transferts sociaux, donc la dette, alors même que la production industrielle du pays et son commerce extérieur déclinaient. L’état des finances publiques et l’urgence d’investir tant dans la transition écologique que dans la défense vont évidemment inviter à revoir ce stato-consumérisme et affecteront la consommation.
Mais il y a un élément nouveau, trop peu évoqué : en 2024, le solde naturel de la France métropolitaine est négatif, pour la première fois depuis 1945. L’exception française est terminée et la situation ne semble pas transitoire. C’est une nouvelle donne qui s’installe. Ainsi, la consommation en volumes ne pourra plus être un moteur simplement parce qu’il n’y aura pas plus de consommateurs. Sauf, bien sûr, à ouvrir le pays à l’immigration, ce qui est un autre sujet. Sans carburant démographique et avec une «dette» en raréfaction, cette situation nouvelle menace les filières agricole et agroalimentaire et impose un changement de modèle. Alors que les indicateurs du commerce extérieur montrent d’évidence une dégradation de notre compétitivité, cette filière a vécu en partie à l’abri grâce à une demande intérieure solide, à la différence de nos grands concurrents italiens ou allemands, par exemple. Le marché intérieur a également été relativement protégé par l’action de l’État et des acteurs économiques. L’encadrement des relations commerciales vise à garantir la situation en amont : l’activisme autour de l’«Origine France», qu’il émane des influenceurs, de l’État ou des syndicats, a garanti des débouchés.

Le problème qui se pose est de trouver les débouchés au maintien de notre agriculture, de nos usines et de leurs volumes, qui font largement vivre les régions. Avec une demande intérieure désormais déclinante, la réponse est simple : l’export Philippe Goetzmann
Depuis quelques mois, Covid et inflation passées, la panique s’empare de beaucoup d’esprits qui voient poindre la déconsommation avec effroi. Las, elle était prévisible. Une fois de plus, nous étions dans un déni collectif de réalité. Le problème qui se pose, dans un pays où l’agriculture revêt une importance sociale supérieure à son poids économique, est de trouver les débouchés au maintien de notre agriculture, de nos usines et de leurs volumes, qui font largement vivre les régions. Avec une demande intérieure désormais déclinante, la réponse est simple : l’export. Or, nous y perdons des parts de marché avec constance depuis 20 ans, par manque de compétitivité.
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Écrasée par la fiscalité de production et le coût du travail, cette filière consommatrice de foncier et intense en main-d’œuvre ne peut plus compter sur un marché domestique relativement protégé. Les politiques ne vont plus devoir «protéger» agriculteurs et industriels comme ils aiment à le dire, mais les réarmer ! Les politiques de la demande sont parfois souhaitées par le consommateur, mais elles ne sauraient empêcher de se heurter au réel - elles pourraient même renforcer nos handicaps. «Encore cinq minutes, monsieur le bourreau». Non, il n’y a plus le choix : la filière alimentaire a un besoin urgent et vital de relancer résolument et fermement la politique de l’offre. Passer la publicité Passer la publicité Passer la publicité
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