Alors que le top départ des vacances estivales est lancé, des millions de Français comptent quitter leur domicile pour partir en congés. Obligation sociale ou véritable besoin de déconnexion, le choix du départ s’impose chaque année comme une évidence.
Pour certains, voyager et vacances sont indissociables. La preuve : en lisant la phrase précédente, nul doute que beaucoup la liront comme «partir en vacances». Depuis de longues années, l’idée de partir de son environnement pour ses congés s’est imposée comme une évidence pour certaines âmes travailleuses en manque de déconnexion totale, et est devenue, pour d’autres, un véritable rite social.
Par départ, nous entendons souvent, voyage sous les tropiques, escapade en montagne, visites dans la famille, périple au bout du monde… Tant d’éléments qui permettront de sortir l’individu de son environnement. Mais alors, pourquoi cette nécessité de partir s’est immiscée dans la pensée collective ?
Sortir de son quotidien
Pour Catherine Lejealle, sociologue et chercheur à l’ISC Paris, la réponse est d’abord cérébrale. «Notre quotidien repose sur des routines. Et cela est rassurant : on connait les outils avec lesquels on travaille tous les jours : un écran, une scie, une caisse, etc. Ce fonctionnement très routinier n’est pas négatif puisque ce n’est pas fatiguant au niveau du cerveau, ça ne mobilise pas beaucoup de ressources cognitives», explique-t-elle.
«Mais nous sommes des animaux pensants, on a donc besoin d’autre chose. On sait qu’il existe des ailleurs, d’autres vies, et les vacances sont la possibilité de découvrir de nouvelles choses, des paysages, des personnes, de la nourriture, des expériences», nuance la sociologue.
Alors, cette envie de partir peut se matérialiser par deux manières : de la découverte d’un côté et de l'autre, d'un retour dans le passé. Pour la première, cela peut se manifester par le fait de partir loin, et pour la deuxième, il s’agit d’un retour sur des lieux de son enfance, qui émettent un sentiment de nostalgie. En somme, «l’essentiel est de changer de tempo, d’outil. Par exemple, si vous êtes jardinier, vous n’allez pas faire du jardinage pendant vos vacances. Partir, c’est vraiment cette idée de rendre la vie plus riche. Le quotidien a cet effet protecteur, mais on a aussi besoin d’expérimenter. Au-delà de l’aspect psychologique, le corps fera également d’autres gestes, cela aura pour avantage de changer les tensions physiques».
Ironie de la situation, à la base, le terme «vacance» est une forme de vacuité. Ce dernier terme renvoie au vide, «vacuum» en latin. Or, «cela n’est pas synonyme d’ennui, mais plutôt d’oubli de ce que l’on fait au quotidien. On a cette disponibilité à l’autre, pour de nouvelles expériences. Les cinq sens vont être sollicités». Le cerveau va ainsi ingérer d’autres informations, en changeant de lieu, de personnes, de rythme, pour engranger des images, des souvenirs.
Les congés, une constante évolution
Toutefois, les vacances ont changé de nature depuis les années 90. «Il y a deux facteurs : d’abord, il y a l’effet RTT (Réduction du temps de travail), qui crée plein de micro-coupures. On peut ainsi partir en week-end et on a envie de couper régulièrement et pas nécessairement loin. Le deuxième, c’est que les jeunes prennent de plus en plus une année sabbatique. Il y a donc, d’un côté, un souhait de partir moins loin, mais de découvrir des choses manuelles, et de l’autre une volonté de partir plus loin, mais qui est générationnelle».
L’appel à changer d’air peut aussi prendre racine dans l’actualité géopolitique. En effet, une fois que l’on part de chez soi, «l’intérêt est de se reconnecter, mais au niveau local. Le souhait est de se focaliser sur ce qui se passe localement, se recentrer sur ce qui est important à l’instant T. Il faut que le cerveau puisse être mobilisé sur des nouveautés, en dehors de son quotidien, afin, aussi, de restaurer sa force de travail, et de retourner au travail frais et disponible», détaille Catherine Lejealle.
Se valoriser en société
Enfin, partir en vacances, est, sans aucun doute, ancré dans notre société. La destination, les activités, la fréquence des congés, tous ces aspects contribuent à définir son statut social.
«Lorsque l’on revient au travail, la première chose que l’on nous demande, c’est ce que l'on a fait pendant nos congés. Cela a tout de même évolué car il y a quelques années, le chercheur et sociologue, Alain Ehrenberg parlait de la tyrannie de la performance, selon laquelle il fallait partir loin pour se sentir en vacances. Aujourd’hui, cela a changé, nous sommes davantage dans une quête de sens. On n'est moins “bling bling” que dans les années 90, mais on nous demande quand même ce que l'on a fait. La seule chose qu’on ne peut pas pardonner, c’est de n’avoir rien fait. Pour l’humain en société, c’est important de raconter ses souvenirs, quelque chose de nouveau qui va le valoriser», termine la sociologue.
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