La députée communiste Soumya Bourouaha défend une proposition de loi pour étendre le droit de vote aux élections municipales aux étrangers non-européens résidant en France. Une possibilité déjà présente dans 14 autres pays européens.
Elle veut faire évoluer la loi. Étendre le droit de vote aux étrangers extra-européens résidant dans le pays pour les élections municipales, tel est le texte que porte Soumya Bourouaha. La députée communiste de Seine-Saint-Denis a confié à CNEWS les raisons de ce projet.
Cette proposition de loi résonne fortement avec l’histoire familiale et personnelle de l’élue. Née au sein d’une famille franco-algérienne, Soumya Bourouaha est la seule de sa fratrie de sept à être née en Algérie. Un lieu de naissance qui l’a empêchée d’accéder automatiquement à la nationalité française comme le reste de ses frères et sœurs.
«J’ai toujours eu le sentiment d’avoir été exclue. Je n’avais pas le droit à la parole, pas le droit de m’exprimer. J’ai véritablement vécu comme une injustice», s’est remémorée la députée, ajoutant, «j’ai même le souvenir d’accompagner mes frères et sœurs au vote avec l’impression d’aller moi-même voter, tellement j’en avais envie».
A sa majorité, Soumya Bourouaha a dû encore attendre cinq années avant d’obtenir sa naturalisation et de pouvoir enfin réaliser son devoir citoyen en votant. «Ça a été vraiment quelque chose de formidable de pouvoir enfin aller voter et j’ai eu beaucoup de fierté parce qu’enfin je considérais que j’étais reconnue», a-t-elle confié.
«Un levier d’intégration»
En sa qualité de députée, Soumya Bourouaha assiste le préfet lors de la remise des décrets de naturalisation des villes dépendantes de sa circonscription. Un exercice pour lequel l’élue prend «toujours beaucoup de plaisir» et au cours duquel elle prononce un discours incitant ces nouveaux citoyens «à faire nation, à participer à la vie locale, nationale et s’exprimer par le vote».
Aux yeux de Soumya Bourouaha, permettre aux étrangers non-européens résidant en France de voter lors des élections municipales représente «véritablement un levier puissant d’intégration», car lorsque l’on «vote, on s’implique, on passe de spectateur à acteur». Accorder ce droit permet de «faire évoluer les étrangers d’objets à sujets politiques», a-t-elle ajouté.
«C’est un outil d’intégration concret», a-t-elle poursuivi, «par exemple, un parent étranger qui peut voter sera beaucoup plus enclin à suivre la scolarité de ses enfants, à participer au conseil d’école. Bref, c’est aussi un symbole de reconnaissance parce que je constate tous les jours que les étrangers se sentent exclus».
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Celle qui a été adjointe au maire de La Courneuve durant 12 ans met en avant le cas particulier de cette commune où 48% des habitants sont étrangers. «Pour l’instant, ils ne peuvent pas élire leur maire. Est-ce normal ? Je ne le pense pas. Ils sont exclus des décisions qui les concernent. Je trouve que pour un pays comme la France, ce n’est pas très démocratique d’exclure toute une partie de la population», a-t-elle détaillé.
Si cette proposition de loi est adoptée, les étrangers extra-européens pourront également se présenter aux municipales. Toutefois, à l’image des citoyens européens, ils ne pourront le faire que pour les postes de conseillers municipaux.
La peur du vote communautaire
Cette idée d’ouvrir le vote aux étrangers résidant en France n’est pas nouvelle, comme l’a rappelé Soumya Bourouaha : «Déjà dans les années 1970, cette question figurait dans le programme commun de la gauche. En 1979, Jacques Chirac, un homme de droite, avait soutenu cette idée. En 1981, François Mitterrand en avait fait une promesse de campagne, jamais tenue. Nicolas Sarkozy, lui aussi de droite, y était également favorable. Enfin, en 2012, c’était l’une des promesses de campagne de François Hollande, qui n’a pas été tenue.»
Ainsi, avec son texte, l’élue de Seine-Saint-Denis entend faire évoluer les choses puisqu’en «55 ans, on n’a pas avancé d’un iota», alors même que 14 pays européens ont déjà mis en place ce droit. Parmi eux, l’Irlande, la Belgique, la Suède, l’Espagne ou encore la Hongrie, pourtant profondément nationaliste.
«La France est en retard sur l’Europe. Elle fait partie de l’Union européenne et sur ce sujet, il serait bien qu’elle s’aligne sur ses voisins», a estimé Soumya Bourouaha.
Néanmoins, cette proposition risque de ne pas recevoir un soutien unanime des parlementaires, certains dénonçant une visée électoraliste et les risques de votes communautaires.
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«C’est la peur de ce que l’on ne connaît pas. Ce fantasme du vote communautaire ne repose sur rien», a estimé Soumya Bourouaha, poursuivant, «les études montrent qu’en Belgique ou en Suède par exemple, cette ouverture n’a jamais créé de votes communautaires massifs ou de pressions des pays d’origine».
«Il faut que la France fasse confiance, qu’elle n’ait pas peur et ne s’inscrive pas dans tous ces fantasmes. Mon objectif est de convaincre, c’est ça la politique», a conclu Soumya Bourouaha.