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16/09/2024

Les Echos - Présidentielle en Russie : Vladimir Poutine tire profit d'une croissance moins dégradée que prévu Présidentielle en Russie


Les Echos - Présidentielle en Russie : Vladimir Poutine tire profit d'une croissance moins dégradée que prévu Présidentielle en Russie

 : Vladimir Poutine tire profit d'une croissance moins dégradée que prévu https://www.lesechos.fr/monde/europe/presidentielle-en-russie-vladimir-poutine-tire-profit-dune-croissance-moins-degradee-que-prevu-2082739

Pour marquer les esprits, Vladimir Poutine commence ses discours par des chiffres. Avec un indicateur martelé ces dernières semaines : en 2023, la Russie a enregistré une hausse de son PIB de 3,6 % selon Rosstat . Dès juin 2022, quatre mois après la mise en oeuvre des premières sanctions occidentales contre Moscou, le chef du Kremlin avait lancé : « Le Blitzkrieg économique lancé contre la Russie a échoué ! Nous normalisons la situation économique pas à pas. »

Deux ans plus tard, la croissance économique semble donner raison à Vladimir Poutine : la Russie, pays le plus sanctionné au monde, fait preuve de résilience. « Bismarck a eu un bon mot sur la Russie : elle n'est jamais aussi forte qu'on la croit mais elle n'est jamais aussi faible qu'on la croit », insiste Philippe Pégorier, associé français de Kesarev, cabinet de conseil basé à Moscou. « L'Occident a certainement surévalué la force militaire de la Russie mais a sous-estimé sa force économique, son adaptabilité. »

Effort de guerre Cette croissance est toutefois gonflée par l'effort de guerre. Une partie de l'outil industriel est mise au service du complexe militaire. « Les chiffres ne mentent pas. Mais il faut lire entre les lignes. Il y a d'immenses contrastes régionaux et sectoriels », prévient, plus critique, un autre observateur européen à Moscou. « Ces chiffres sont avant tout basés sur des facteurs temporaires en temps de guerre. » Il ne s'agit pas seulement d'armements et de munitions. Dans une économie de plus en plus étatisée, des usines fabriquant jusque-là des produits civils ont reçu l'ordre de fournir l'armée.

Plus d'un demi-million de Russes ont rejoint l'industrie de défense depuis 2022, selon Vladimir Poutine. Cela a contribué à faire chuter le chômage à moins de 3 %, un record. Les besoins du complexe militaro-industriel et la nécessité de remplacer les sociétés occidentales ont dopé la demande. Et par ricochet les salaires. Dans de nombreux secteurs, ils augmentent du fait de la hausse conjuguée de la demande d'embauches industrielles et des pénuries de main-d'oeuvre, provoquées par les départs vers le front.

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Parallèlement, l'Etat multiplie les aides publiques. Il subventionne en particulier des prêts hypothécaires. Cela relance les chantiers, avec un effet multiplicateur sur le reste de l'économie. Cela encourage les Russes à acheter des biens immobiliers, dopant les crédits et les revenus des banques. En 2023, elles ont enregistré des bénéfices record : quelque 35 milliards d'euros - une hausse de moitié par rapport à 2021, dernière année avant la guerre.

Redistribution C'est un exemple parmi d'autres des largesses du Kremlin qui, l'an passé, a injecté l'équivalent de 90 milliards d'euros dans l'économie. Soit 4,85 % du PIB. « Cet argent a été dépensé avant tout dans le complexe industriel militaire. Mais l'Etat a aussi distribué pas moins de 21 milliards d'euros aux soldats et volontaires combattant en Ukraine, directement ou indirectement à leur famille en cas de décès », rappelle l'économiste Vladislav Inozemtsev. Ces hommes venant des régions les plus pauvres, cet argent a été immédiatement dépensé, dopant la consommation, avec un autre effet multiplicateur sur l'économie.

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« Le président ne joue pas seulement sur le ralliement derrière le drapeau. Il y a aussi un aspect économique : la redistribution de la richesse en faveur d'un plus grand nombre de Russes », analyse Denis Volkov, sociologue à la tête du centre indépendant de sondages Levada. « En deux ans, le nombre de Russes disant avoir assez d'argent pour se permettre des gros achats a augmenté de 5 % alors que c'était stable depuis des années. » Les fonctionnaires et les bas revenus sont ceux qui profitent le plus de cette redistribution, surtout dans les régions les moins prospères du pays. C'est précisément le coeur de l'électorat de Vladimir Poutine.