20/05/2024


Taxe sur les superprofits: le dogme fiscal divise la macronie

Par Rémi Clément le 02.04.2024 à 14h00 Ecouter 4 min. L’idée d’une taxe exceptionnelle des superprofits fait son chemin parmi les députés Renaissance, tout comme chez la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. Mais elle se heurte pour l’instant à l’intransigeance de l’Elysée.

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée et Sylvain Maillard, patron des députés Renaissance.

Thomas Padilla/MAXPPP et Fred Dugi/LP/MaxPPP     
 

Elle a choisi ses mots avec soin pour mieux s’attaquer à un totem du chef de l’Etat. Le 22 mars, sur France Bleu Lorraine, la présidente Renaissance de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet se rallie officiellement à l’idée d’une taxation des superprofits. Face au dérapage des comptes publics, « il ne doit pas y avoir de tabous, dit-elle. Dès lors qu’il y a des superdividendes, des superprofits, des rachats massifs d’actions, je suis partisane qu’il y ait une réflexion pour voir s’il n’y a pas là, de façon exceptionnelle, une capacité à augmenter les recettes de l’Etat. » Aussi policé soit-il, le message, assumé une nouvelle fois ce mardi 2 avril sur Franceinfo, est clair : il s’agit d’une remise en cause de la ligne élyséenne sur la stabilité fiscale. 🔴 “Je ne suis pas pour augmenter les impôts d'une façon générale et il n'est pas question d'augmenter ceux des Français […] En revanche, je ne souhaite pas que l'on élimine la piste de l'augmentation des recettes. A priori, tout se regarde ”, observe Yaël Braun-Pivet. pic.twitter.com/Puzikf3wEs — franceinfo (@franceinfo) April 2, 2024 Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de la baisse des impôts la clé de voûte de sa politique économique. Et le chef de l’Etat répète en privé qu’il est hors de question d’user aujourd’hui du levier fiscal pour réduire le déficit. Un dogme questionné par une partie croissante des députés de la majorité qui, de l’aile gauche de Renaissance au MoDem de François Bayrou, plaident pour que les entreprises soient mises à contribution. Un signal négatif Cette demande se heurte, pour l’instant, à l’intransigeance du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, pour lequel il n’est pas question de « dévier d’une ligne économique qui donne des résultats ». Le patron des députés Renaissance, Sylvain Maillard, est sur la même ligne, lui qui a préconisé au président de la République un « gel » des prestations sociales et du barème de l’impôt sur le revenu, qui ne prendrait donc pas en compte l’inflation, plutôt que de taxer les entreprises. Lire aussiFaire des économies avec Bruno Le Maire, une méthode en mal d’efficacité Pour l’aile la plus libérale de Renaissance, toute hausse d’impôt sur les entreprises – même exceptionnelle – enverrait un signal négatif aux investisseurs. Et menacerait le retour au plein-emploi visé d’ici à la fin du quinquennat. Un mantra qui confine parfois à la superstition. « Le climat que l’on est parvenu à instaurer en termes d’attractivité a une part d’irrationnel, estime Sylvain Maillard. C’est quelque chose de très difficile à construire et de très facile à perdre. » Pour d’autres, c’est l’idée même d’une contribution exceptionnelle qui serait contreproductive. « Le concept d’impôt unique c’est peut-être ce qui se fait de pire en matière de fiscalité, tance le député Alexandre Holroyd, car c’est l’aléatoire qui s’impose. » L’aile gauche prudente A l’image des précautions oratoires empruntées par Yaël Braun-Pivet, l’aile gauche de la majorité avance prudemment. « On ne va pas s’engouffrer dans ce débat de manière simpliste et démagogique pour réclamer des hausses d’impôts à tous crins sur le dos des entreprises », indique Caroline Janvier, députée du Loiret. Même si elle espère obtenir gain de cause pour que les restrictions budgétaires soient assorties d’un geste sur la taxation des superdividendes ou le report d’une partie des baisses d’impôts de production prévues. Lire aussiLe déficit public dérape, des coupes budgétaires à venir « Le président est plus ouvert qu’on ne le croit sur le sujet », assure le président de la commission des Affaires économiques Stéphane Travert. Signe de cette évolution présidentielle, un très proche d’Emmanuel Macron, le député de Paris David Amiel, planche en toute discrétion depuis plusieurs semaines sur un projet d’impôt minimum sur les grandes fortunes à l’échelle européenne. Un « ISF européen » qui aurait l’avantage d’éviter les distorsions de concurrence fiscale entre la France et ses pays voisins. Et de ne pas déroger au dogme macroniste. Fiscalité

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