16/09/2024


Les Echos - Impôts : la nouvelle règle de calcul de l'IFI chamboule la déclaration 2024

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Pour cette campagne déclarative, la difficulté monte encore d'un cran en matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). La loi de finances pour 2024 a modifié les règles de détermination de l'assiette imposable des biens immobiliers détenus par l'intermédiaire d'une société . Ce changement est loin d'être anecdotique, puisqu'il concerne potentiellement plus d'un contribuable assujetti à l'IFI sur deux.

En effet, l'année dernière, 55,8 % des foyers à l'IFI avaient déclaré des biens détenus via une entité tierce, soit précisément 98.203 des 175.980 foyers à l'IFI en 2023, indique « aux Echos » la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Les contribuables ne prenant pas garde à ce changement risquent donc de commettre des erreurs pouvant aboutir à un redressement.

« Il faut alerter les contribuables. Cette année, ils ne pourront pas se contenter d'actualiser la somme déclarée en 2023. Il faut absolument qu'ils s'intéressent au plus vite à leur déclaration IFI car les personnes concernées vont devoir revoir de A à Z la façon dont elles calculent la valeur à l'IFI de leurs sociétés immobilières », avertit Jean-François Desbuquois, avocat associé au cabinet Fidal et membre du Cercle des fiscalistes.

Pour rappel, la déclaration IFI concerne les contribuables dont la valeur cumulée du patrimoine immobilier dans le champ de l'IFI dépasse 1,3 million d'euros au 1er janvier 2024. Elle s'effectue au même moment que la déclaration de revenus , soit au plus tard entre le 23 mai et le 6 juin selon le lieu de sa résidence principale.

Restriction du passif déductible Concrètement, la modification concerne la prise en compte du passif déductible quand l'immobilier est détenu au travers d'une société civile immobilière (SCI), d'une société commerciale ou encore d'une holding patrimoniale détenant de l'immobilier non exonéré d'IFI. Jusqu'à l'année dernière, presque l'intégralité des dettes de la société détentrice de l'immobilier pouvait être intégrée au passif déductible, à l'exception tout de même des dettes présumées avoir été contractées à des seules fins d'optimisation fiscale.

Mais, depuis 2024, seules les dettes afférentes aux actifs dans le périmètre de l'IFI peuvent venir amoindrir l'assiette d'imposition, comme le montant des emprunts immobiliers restant à rembourser, les dépenses de rénovation, la taxe foncière ou encore les apports de compte courant ayant servi au financement du ou des actifs immobiliers dans le champ de l'IFI.

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Pour une petite société composée d'un ou deux biens immobiliers comme pour les grosses sociétés immobilières entourées de conseillers fiscalistes, le changement de règles restera complexe mais accessible. « Mais dès l'instant que la société comptabilise davantage de biens immobiliers à son actif en présence d'une ou plusieurs chaînes de participation, la difficulté d'appliquer la méthodologie instaurée par la loi de finances pour 2024 sera véritable, et nécessitera sans doute le recours à des professionnels pour appréhender les nouvelles règles », indique Frédéric Valentin, directeur de l'ingénierie patrimoniale de Société Générale Private Banking Europe, également membre du Cercle des fiscalistes. « Sans comptabilité bilancielle à jour - les sociétés non assujetties à l'IS n'en tiennent pas obligatoirement -, il va être difficile d'appliquer la nouvelle méthodologie », ajoute Jean-François Desbuquois.

Double plafonnement Cette nouvelle règle de calcul vise à rapprocher l'imposition d'un bien détenu en direct de celle d'un patrimoine immobilier détenu via une entité tierce. « Désormais, via une société comme en direct, à l'IFI, vous ne déduirez que des charges en lien avec les biens assujettis. C'est une précision apportée pour donner à l'administration fiscale les moyens de pouvoir procéder à des interrogations voire à des redressements », explique Xavier Bretault, directeur ingénierie de la gestion privée au sein de La Financière d'Orion.

« Je comprends bien la volonté du législateur d'aboutir à une certaine neutralité quelque que soit le mode de détention. Il est toutefois regrettable que, pour y parvenir, il ait retenu un système aussi compliqué comportant de multiples étapes de calcul », déplore Jean-François Desbuquois.

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Effectivement, après avoir déterminé le passif que le contribuable peut déduire de la valeur vénale de la société, il doit ensuite appliquer à ce montant un coefficient immobilier. C'est-à-dire la part du patrimoine immobilier dans la valeur vénale totale de la société. Or, avec le changement de règle sur le passif, ce calcul peut amener à des résultats étonnants comme aboutir à une valeur théorique du patrimoine imposable supérieure à sa valeur réelle.

C'est pourquoi la loi de finances pour 2024 a introduit deux plafonds : la valeur déclarée à l'IFI ne peut ni dépasser la valeur totale des immeubles nette de leurs dettes afférentes, ni la valeur réelle de la société. « Le redevable retient le plafond le plus faible des deux, le plus intéressant pour lui », explique l'avocat associé au cabinet Fidal.

Des gagnants et des perdants Est-ce que cette réforme va accroître le rendement de l'IFI ? « Il y aura des contribuables perdants et des contribuables gagnants en fonction de l'affection mobilière ou immobilière des dettes », explique Jean-François Desbuquois.

Depuis sa mise en place en 2018, les recettes fiscales générées par l'IFI ont progressé de plus 45 % compte tenu de la progression du nombre d'assujettis. Elles sont passées de 1,29 milliard d'euros en 2018 à 1,9 milliard d'euros en 2023, d'après les statistiques diffusées en avril par la DGFiP. Compte tenu de son périmètre moins large, le rendement de l'IFI demeure deux fois inférieur à celui de son prédécesseur, l'impôt de solidarité sur la fortune. En 2017, l'ISF avait atteint 4,2 milliards d'euros.

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