20/05/2024

Que pouvait-on faire pour empêcher Carlos Tavares d’empocher 36 millions ?


Que pouvait-on faire pour empêcher Carlos Tavares d’empocher 36 millions ? Ce mardi, les actionnaires de Stellantis se réunissaient en assemblée générale. Au menu du jour : le coup de pouce financier qu’il fallait valider pour féliciter le grand patron de sa belle année 2023. Montant de la transaction ? Environ 36,5 millions d’euros alloués en actions, pensions de retraite et autres bonus. Au titre de l’exercice 2023, Carlos Tavares ne touchera pour l’heure que 23,5 millions d’euros. « Indécent » selon bon nombre de représentants syndicaux du groupe et de ses sous-traitants. Mais les actionnaires avaient-ils d’autre choix ? En 2021, ils avaient refusé la hausse de rémunération, avant de la valider en 2022 et 2023. A 70 %, ils ont voté pour en 2024. Maintenant que la solution est actée, que peut-on faire pour espérer faire changer les choses ? Voici quelques tuyaux. Changer la loi « Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et modifiez la loi et je la respecterai », a déclaré Carlos Tavares à nos confrères de France Bleu Lorraine lorsqu’ils l’ont interrogé sur cette hausse de rémunération. Sur les réseaux sociaux, des élus ont réagi, annonçant déposer un projet de loi visant à limiter les salaires sur un écart de 1 à 20 dans une entreprise. « C’est une proposition que nous formulons depuis plus de dix ans. Dans le cas de monsieur Tavares, on parle d’un écart de 1 à 1.700 ! C’est inacceptable », tempête Matthias Tavel, député La France insoumise de Loire-Atlantique. Ce dernier a déposé deux projets de loi mais se refuse à parler de plafonnement. « Le but n’est pas d’être punitif mais de rappeler que la production de richesses doit être mieux partagée. Si la loi est adoptée, monsieur Tavares pourra s’augmenter mais à condition qu’il augmente toute sa base aussi. C’est un cercle vertueux ». Avantages - En adoptant une telle position, la France retrouve ses couleurs d’égalité et de fraternité, tout en s’alignant sur son service public, déjà soumis à un plafonnement de rémunération des patrons - Des députés Nupes vont vibrer en espérant que la loi qui sera examinée puisse porter leur nom. Inconvénients - Elle n’a pas beaucoup de chances d’aboutir. Et même si le texte était voté, il pourrait difficilement s’appliquer à Stellantis, dont le siège social est établi aux Pays-Bas. « On porte l’idée d’avoir le même mécanisme à l’échelle européenne », tempère Matthias Tavel. - Stellantis va quitter la France et abandonner ses usines de Poissy, de Rennes, de Sochaux et de Mulhouse, soit environ 45.000 personnes. Le groupe automobile tire 53 % de ses profits outre-Atlantique, et 75 % hors d’Europe. Lancer une bonne vieille grève bien longue Si le patron du groupe automobile empoche autant, c’est que son contrat le prévoit. Si l’on peut clairement discuter de la qualité de « super patron » de Tavares (parlez-en aux ouvriers de Rennes ou de Poissy, vous verrez), on peut difficilement remettre en question son bilan comptable. En 2023, Stellantis a enregistré un nouveau bénéfice record de 18,6 milliards d’euros. Mais à quel prix ? Dans les usines du groupe, bon nombre de salariés dénoncent la pression croissante et la mise en concurrence des usines pour obtenir l’attribution des véhicules. Un terreau fertile pour une bonne vieille grève, non ? En paralysant les usines, on taperait directement au portefeuille du constructeur. « Le capitalisme, c’est la loi du profit. Et sans contre-pouvoir, il est sans limite. Pour moi, la seule solution, c’est que les salariés puissent s’unir pour arrêter de bosser. Là, ils pourront montrer à leurs dirigeants qui produit les richesses », estime Fabrice Lerestif, secrétaire départemental de Force ouvrière en Ille-et-Vilaine. Avantages - Si la base se soulève, le groupe pourrait être mis sous pression face aux pertes économiques engendrées par des blocages. « Il faut marquer le coup, unir les syndicats, faire appel à la confédération européenne des syndicats. On doit se battre quand c’est insupportable ou indécent », répète le responsable de FO. - La grève, c’est parfois pénible mais ça fédère, ça réunit. Et ça permet de se retrouver entre camarades autour d’un feu avec un sandwich et une canette. Inconvénients - On n'est jamais sûrs de gagner. Et la rémunération de Carlos Tavares sera tout de même versée. On ne peut pas en dire autant des salariés grévistes en revanche. - Elle sera longue. Face à la grève, les dirigeants adoptent souvent une position patiente, histoire de tester la résistance et la motivation des troupes. Et ça fait mal aux finances des grévistes. Corrompre le conseil d’administration Ils ont la clé. Les 11 membres du conseil d’administration de Stellantis sont les mieux placés pour apprécier si oui ou non, ils peuvent accorder un peu d’argent de poche au grand patron du géant de l’automobile. Le problème, c’est qu’ils agissent en général dans leur intérêt commun, votant en faveur des hausses de rémunération des uns et des autres, en attendant que ce soit leur tour. Pour mieux comprendre de qui on parle, voici un petit CV des membres du fameux CA. John Elkann est héritier de la famille Agnelli, qui a fondé Fiat et compte parmi les plus grosses fortunes européennes. Président exécutif de Stellantis, il a perçu 4,8 millions d’euros de salaire en 2023. Robert Peugeot, héritier de la famille du constructeur français, est classé 22e fortune française en 2023 selon Challenges. Henri de Castries. Henri de La Croix de Castries de son nom complet est issu d’une haute famille de la noblesse française. Diplômé de l’ENA, il a longtemps dirigé le groupe d’assurance Axa, où il faisait partie des dirigeants français les mieux rémunérés. Fiona Clare Cicconi. Formée au sein du groupe General Electric, celle qui est née à Londres a aussi travaillé chez Cisco avant de devenir vice-présidente exécutive et directrice des ressources humaines chez AstraZeneca, géant pharmaceutique britannique. Nicolas Dufourcq. Fils d’une ancienne secrétaire d’État et d’un ambassadeur, il est diplômé d’HEC et de l’ENA. Il a notamment travaillé pour France Télécom et a présidé la société Wanadoo avant de travailler pour Cap Gémini. Il est directeur de la Banque publique d’investissement depuis 2013. Ann Frances Godbehere a exercé toute sa carrière dans des sociétés d’investissement, d’abord au Canada, où elle est née. Elle a également siégé dans plusieurs conseils d’administration de multinationales comme le pétrolier Shell ou la British American Tobacco. Wan Ling Martello a longtemps travaillé pour le géant américain Walmart où elle occupait d’importantes fonctions de direction. Ancienne directrice financière de Nestlé, elle en est devenue la vice-présidente exécutive en 2012. Elle siège également au conseil d’administration d’Alibaba et du groupe Uber. Benoît Ribadeau-Dumas est également diplômé de l’ENA. Après une carrière chez Thalès, il s’est engagé comme directeur de cabinet d’Edouard Philippe, alors Premier ministre français. Il exerce aujourd’hui de belles fonctions chez Exor, immense fonds d’investissement contrôlé par la famille Agnelli. Jacques de Saint-Exupéry. Ce pur produit de l’entreprise PSA est aujourd’hui le secrétaire du Comité d’entreprise du groupe automobile français. Claudia Parzani. La dernière arrivée au CA dirige la Borsa Italiana, principale place boursière italienne. Avantages - Le groupe Stellantis se sait regardé de près et aurait pu décider de « marquer le coup » en se positionnant contre cette augmentation jugée indécente. - Carlos Tavares va sans doute se barrer. Inconvénients - Euh, vous avez vu la liste des personnes nommées ci-dessus ? - Carlos Tavares va sans doute se barrer. https://www.20minutes.fr/economie/4086786-20240416-stellantis-pouvait-faire-empecher-carlos-tavares-empocher-36-millions