20/05/2024


Vrai ou faux Le nombre de "mineurs mis en cause dans des affaires judiciaires" a-t-il "diminué de 25% entre 2019 et 2022", comme l'affirme Manuel Bompard ?

Vrai ou faux Le nombre de “mineurs mis en cause dans des affaires judiciaires” a-t-il “diminué de 25% entre 2019 et 2022”, comme l'affirme Manuel Bompard ?

Philippe Coopman, Shemseddine, Samara… Tous ont été victimes d'agressions, mortelles pour les deux premières, commises au cours du mois d'avril. Et la plupart des suspects dans ces affaires sont mineurs. Emmanuel Macron a dénoncé “le surgissement de l'ultraviolence dans le quotidien, chez des citoyens de plus en plus jeunes”. Dans ce contexte, le Premier ministre, Gabriel Attal, a livré plusieurs annonces, le 18 avril, à Viry-Châtillon (Essonne). Mais existe-t-il une réelle hausse des actes de violence commis par des mineurs, comme l'affirment certains politiques ? Ce n'est pas l'avis du député de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard. Invité sur le plateau de franceinfo, lundi 22 avril, il a réfuté cette idée, statistique à l'appui : “Si vous prenez les chiffres du ministère de la Justice, le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires judiciaires a été réduit de 25% entre 2019 et 2022.” En évoquant les personnes “mises en cause”, l'élu reprend la définition juridique d'individus impliqués dans un litige, le temps d'une enquête, comme le rappelle le site Vie publique. Selon le ministère de l'Intérieur, il s'agit de “toute personne ayant été entendue par la police ou la gendarmerie et à l'encontre de laquelle sont réunis, dans la procédure transmise au parquet, des éléments graves et concordants attestant qu'elle a commis ou tenté de commettre un ou plusieurs délits ou crimes.” Alors, Manuel Bompard dit-il vrai ou faux ? Le chiffre mentionné par le député LFI est juste, puisqu'il figure dans le bilan statistique du Code de la justice pénale des mineurs, publié le 13 octobre 2023 par le ministère de la Justice. “En 2022, 164 900 mineurs ont été mis en cause dans les affaires terminées par les parquets, soit 24% de moins qu’en 2019”, détaille le document. Cette diminution est difficile à expliquer. “Elle peut être due à l'épidémie de Covid-19, mais la baisse s'est poursuivie ensuite”, note Nicolas Sallée, sociologue spécialiste du système de justice des mineurs. Thomas Sauvadet, enseignant-chercheur en sociologie spécialiste des bandes de jeunes, propose une autre explication. “On observe un processus de ghettoïsation des quartiers pauvres, qui s'écartent de la justice et de la police”, avance-t-il. Selon lui, le nombre de mineurs mis en cause diminue parce que ces quartiers se ferment aux institutions. “Si les habitants ne portent pas plainte, il est difficile de mesurer la violence des mineurs”, assure le sociologue. Nicolas Sallée estime, lui, que le nombre de mineurs mis en cause ne reflète pas l'évolution de la violence chez les jeunes. “Cet indicateur rend plus compte de l'activité des institutions judiciaires que des activités délictueuses des mineurs. Il ne mesure que la manière dont la police, puis la justice, répondent à la délinquance.” Quelle réponse la justice apporte-t-elle à cette délinquance ? Le 30 septembre 2021, le Code de la justice pénale des mineurs est entré en vigueur, réformant l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Ce code a pour ambition d'accélérer les procédures et d'améliorer la prise en charge des mineurs délinquants. La justice étant plus active, si la violence avait augmenté parmi les mineurs, le nombre de mis en cause aurait pu grimper également. Or, il a diminué. De l'aveu même du ministère de l'Intérieur, cité par un rapport sénatorial, il est impossible de connaître de manière fiable l'évolution globale des mineurs mis en cause sur les trente dernières années. Au-delà des chiffres, mesurer la violence des mineurs reste une tâche ardue, conclut Nicolas Sallée : “Cela ne se résume pas au nombre de procès ou de mis en cause.” Il est d'ailleurs nécessaire de distinguer délinquance et violence. Concrètement, un mineur peut être mis en cause pour usage de stupéfiants, ce qui constitue un délit, mais pas une violence. En outre, selon Thomas Sauvadet, on assiste à une transformation de la violence des mineurs. “Les réseaux sociaux sont une caisse de résonance pour la violence : les jeunes filment les agressions, les diffusent sur des réseaux sociaux, se fixent des points de rendez-vous, explique-t-il. L'apparition des réseaux a engendré des violences qui n'existaient pas avant.” https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-le-nombre-de-mineurs-mis-en-cause-dans-des-affaires-judiciaires-a-t-il-diminue-de-25-entre-2019-et-2022-comme-l-affirme-manuel-bompard_6505601.html